De nouvelles obligations au Registraire des entreprises

Une loi désuète pour les organismes communautaires

L’absence d’une loi spécifique à l’action communautaire et le fait d’être encore régis par la partie III de la Loi sur les compagnies du Québec cause régulièrement des maux de tête aux organismes communautaires. Au sens de la Loi, le gouvernement nous considère encore comme faisant partie du secteur privé. C’est le cas, par exemple, de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui oblige les organismes communautaires à se conformer à de nouvelles obligations avec, pour résultat, une nouvelle charge de travail non prévue et sans aide financière pour s’y conformer.


Quand on nous confond avec les entreprises

Et voilà qu’à l’arrivée des assemblées générales et de l’élection de nouveaux membres aux conseils d’administration, nous apprenons qu’il faudra transmettre des informations supplémentaires au Registraire des entreprises. Tout ça parce que le gouvernement vise la transparence des entreprises dans sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Or, nous l’avons déjà fait valoir auprès du Commissaire au lobbyisme, de par leurs missions, les organismes communautaires font déjà amplement œuvre de transparence.


Quelles sont ces nouvelles obligations?

À compter du 31 mars:

  • Transmettre une copie des pièces d’identité de tous les membres des conseils d’administration en poste, c’est-à-dire ceux et celles qui sont déjà au registre, ainsi que chaque nouvelle personne élue.
  • Déclarer la date de naissance de toute personne physique inscrite au registre des entreprises. Celle-ci ne sera pas publiée au registre.
  • Possibilité de déclarer l’adresse professionnelle de la personne physique inscrite au registre de façon que celle de son domicile ne puisse être consultée au registre des entreprises.


Des obligations déjà en vigueur

Sans tambour ni trompette, on apprend « que les entreprises immatriculées sont informées de leurs nouvelles obligations au moment de la réception de la lettre les avisant de produire leur déclaration de mise à jour annuelle ». La lettre reçue par certains organismes mentionne le 31 mars 2023 comme date d’entrée en vigueur de ces nouvelles obligations. Or, l’avis du Registraire transmis à plusieurs organismes le 31 mars 2023, dont le RQ-ACA et certains de ses membres, ne fait aucune mention de ces nouvelles obligations.

Cela est d’autant plus surprenant puisque la Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, celle qui instaure ces obligations, a été adoptée en juin 2021! Pourquoi ne pas en avoir informé tous les organismes dès cette date afin qu’ils puissent s’y préparer? À moins de visiter régulièrement le site web du Registraire, il était pratiquement impossible de connaître les nouvelles règles ni de prévoir qu’elles s’appliqueraient à compter du 31 mars 2023.


Des mesures qui suscitent de l’inquiétude

Bien que le Registraire assure qu’il traitera « avec vigilance les copies de pièces d’identité qu’il reçoit » et spécifie qu’il a mis en place « des mesures spécifiques qui répondent aux plus hauts standards dans le domaine de la sécurité des renseignements », plusieurs organismes communautaires nous ont fait part de leur inquiétude quant à sécurité de ces renseignements.

Recueillir les dates de naissance et des pièces d’identité de chaque membre du conseil d’administration peut constituer tout un fardeau pour le personnel des organismes communautaires, dont les équipes de travail sont souvent très petites. Il s’agit d’une tâche supplémentaire exigeante qui s’ajoute à toutes celles qui viennent en fin d’année (assemblée générale, constitution d’un nouveau conseil d’administration, rapport d’activité, rapport financier, reddition de comptes, etc.).

Et ce n’est pas dit que toutes les personnes concernées transmettront spontanément ces informations confidentielles. Cela pourrait-il même mener au refus de membres de présenter leur candidature au conseil d’administration d’un organisme? C’est une éventualité qui doit être sérieusement prise en compte, considérant que l’identité de ces personnes peut être associée à des sujets pouvant avoir un fort potentiel de marginalisation et de stigmatisation.

Le RQ-ACA a l’intention de porter tous ces aspects à l’attention de la ministre de l’Emploi, Kateri Champagne Jourdain, responsable du Registraire des entreprises. Une demande de rencontre lui sera transmise afin de discuter des inquiétudes du mouvement et de demander, comme l’a déjà fait la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, d’accorder un moratoire pour les organismes communautaires.