Oppression et santé mentale : repenser la résilience en milieu de travail

Introduction
Le 10 octobre marquait la Journée internationale de la santé mentale, une occasion de se pencher sur cet enjeu crucial et de mieux comprendre comment prendre soin de soi. La santé mentale est devenue, depuis la pandémie, un sujet central de nos questionnements sociétaux, contribuant ainsi à rompre de nombreux tabous. Cependant, le chemin reste encore long. Les recherches montrent que la santé mentale ne doit pas être considérée uniquement comme une problématique individuelle, mais aussi contextuelle, en examinant comment notre environnement peut favoriser les risques de problèmes de santé mentale. Dans un contexte mondial marqué par de multiples crises sociales, il est essentiel de s’interroger sur l’impact des systèmes d’oppression sur la santé mentale des individus.

Lien entre discrimination et santé mentale
Être victime de systèmes d’oppression, qu’ils soient multiples ou uniques, représente une charge mentale considérable au quotidien. On peut distinguer deux formes d’oppression : celle que l’on subit et celle que l’on intériorise.

L’oppression subie inclut toutes les formes de discrimination qu’une personne rencontre, allant des micro-agressions aux lois discriminatoires. Malheureusement, cette oppression est omniprésente et inévitable dans de nombreuses sphères de la vie. Cette stigmatisation constante entrave l’un des besoins fondamentaux : celui de l’appartenance. Le sentiment d’être «l’autre», de ne pas appartenir à un groupe, d’être rejeté, peut entraîner une anticipation anxieuse de telles situations, provoquant stress et anxiété, ainsi qu’un besoin d’effectuer un travail émotionnel supplémentaire pour s’intégrer ou masquer son identité. Par exemple, une personne racisée qui se prépare pour un entretien d’embauche ne doit pas seulement se préoccuper de ses compétences ou de sa connaissance de l’organisation. Elle doit également porter le poids de questionnements supplémentaires :  Vais-je subir du racisme ? Certaines de mes réponses seront-elles interprétées à travers des stéréotypes raciaux ? Entre autre est-ce qu’une partie de ce que je suis est arbitrairement synonyme de rejet?

D’un point de vue systémique, il est crucial de reconnaître que plusieurs groupes ont subi des épisodes de domination extrêmement violents, tels que la colonisation ou l’esclavage. Ces événements laissent des traces importantes, entraînant la transmission de traumatismes intergénérationnels. Par ailleurs, l’intériorisation des stéréotypes et préjugés associés à ces oppressions peut mener à un véritable danger pour l’estime de soi. Le rejet ne vient plus seulement de l’extérieur, mais également de l’intérieur, car l’intégration de la discrimination devient parfois nécessaire pour survivre dans la société. Rire à une blague discriminatoire qui nous vise ou encore adopter des standards arbitraires de professionnalisme sont des éléments qui peuvent entraîner l’exclusion sociale si l’on décide de lutter contre et de s’en défaire.

Attention aux discours exhortant à la résilience
Un concept souvent mobilisé pour faire face aux problématiques de santé mentale est celui de la résilience. Cette notion se définit comme la capacité d’un individu à surmonter une épreuve difficile, à grandir et à trouver un aboutissement positif. Toutefois, l’effet pervers de cette notion se manifeste lorsqu’elle est appliquée à des problématiques de santé mentale résultant de défaillances systémiques. Dans ce cadre, le problème n’est plus le système qui a rendu la personne malade, mais la manière dont elle réagit à cette situation. Lorsqu’un individu à la croisée des oppressions développe des enjeux de santé mentale suite à du harcèlement, c’est à lui de prendre en charge sa réalité et de faire un travail sur lui-même pour aller mieux, mais le milieu et la société ne changent pas.

Nos discours sont parfois imprégnés de cette idéologie de résilience : lorsqu’une personne confrontée à des oppressions dénonce son vécu, on lui demande souvent de voir le positif, considérant que c’est une question de perception. Cela permet de transformer un problème systémique en problème individuel. Dans nos milieux, la réflexion sur la santé mentale avance : nous parlons d’équipes de travail bienveillantes, de milieux sains et de charge de travail équilibrée. Bien que ces éléments représentent un progrès, exclure de ce processus la question des systèmes d’oppression est contre-productif. En agissant ainsi, nous construisons des espaces propices au bien-être mental uniquement pour les groupes majoritaires.

Conclusion
Réfléchir à la santé mentale dans nos milieux de travail implique également d’aborder la question de l’aplanissement des oppressions. Pour favoriser un environnement inclusif et respectueux, il est nécessaire d’intégrer la diversité des expériences vécues. Cela passe par la reconnaissance des traumatismes historiques et des oppressions systémiques qui influent sur la santé mentale de nombreux individus. En fin de compte, la véritable résilience ne doit pas seulement résider dans la capacité individuelle à surmonter des difficultés, mais aussi dans notre engagement collectif à transformer les systèmes qui génèrent ces difficultés.

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